1- Alexandre Leupin "La fin du sexe" p 90 A.P. hors série novembre 99 ( Alexandre Leupin est prof. de littérature médiévale française et de psychanalyse à l'Université d'Etat de Louisiane , voir ouvrages *)
(...) Ou encore, pour que la médecine soit efficace, il faut que le corps soit réduit au machinique. La science est donc contre le sex e, en tant que celui-ci définit le sujet ; elle est contre le corps symbolique incarné ; elle fonctionne donc, pas même à notre insu, comme vaste entreprise de désincarnation. d'arrachement à la contingence désirant, d'effacement de l'identité inconsciente ; en bref, la science moderne est la figure la plus puissante et la plus fondamentale de la répression et du refoulement ; les (0,1) nous arrachent au corps, qui voit profiler sa disparition dans l'image digitale.(...)

- " Il y a un fantasme de la disparition du corps et de la sensation directe avec le monde qui est très présente dans la cyberculture"
David Le Breton "Anthropologie du corps et modernité"

 

2 - Avec le mythe exactement

Olivier Aubert "Esquisse d'une filiation en perspective" décembre 96. Texte du site Internet "Le générateur poïétique" http://www.infres.enst.fr/~auber/index.html

(Olivier Aubert est ingénieur, commissaire d'exposition et concepteur de dispositifs interactifs)

La perspective temporelle

(...)Notre condition humaine nous pousse à inventer toujours de nouvelles écritures et à explorer sans cesse leur potentiel de formation de sens. Cela passera peut-être par des symbioses inouïes de l'homme et de ses instruments comme le résultat d'une "maïeutique instrumentale"(*c). Sur le chemin, nous allons devoir mener des combats, non pas contre, mais avec les mythes, et leur lourd cortège de peurs, de fatalités, de prophéties. Il s'agit d'éviter à tout prix de pénétrer dans les spirales tragiques qu'ils nous promettent si nous franchissons certaines limites. Pourtant, nous ne pouvons pas imaginer un monde dénué de transgressions, d'usurpations et d'impostures. Ils sont l'ordre même du visible, les catalyseurs de l'individuation, les moteurs de l'Histoire. C'est là que les pouvoirs, comme les artistes ont une responsabilité terrible. Ensemble, ils peuvent fabriquer des petites, des grandes, voire les pires conversions politiques du sublime. Mais seul l'art peut pré-voir, simuler, modéliser, trouver et éclairer les mythes, désamorcer les explosions peut-être. L'art est seul en situation d'opérer sciemment la réduction interdite de l'homme à sa représentation. L'art seul, peut célébrer en pleine lumière le sacrifice de l'éthique dans le champ esthétique. Et dans un retournement paradoxal impliquant tout l'univers, il a ce pouvoir de désigner précisément ce qui échappe à la réduction, ce qui est commun et éternel : l'invisible, l'imprésentable(*d), l'ininstrumentalisable.

(*c)
Bernard Stiegler : La technique et le temps. La faute d'Epiméthée. Galilée/ CSI, Paris 1994. P. 167.
(*d) ) "L'imprésentable est ce qui est l'objet d'Idée, et dont on ne peut montrer (présenter) d'exemples, de cas, de symbole même. L'univers est imprésentable, l'humanité l'est aussi, l'histoire, l'instant, le bien, etc." Jean François Lyotard: ibid. P.138.

 

(...)Le point de fuite deviendrait alors ce que Virilio dénonce comme " la version scientifique de l'œil de Dieu, qui interdirait à jamais la surprise, l'accident, l'irruption de l'intempestif"(*a). Les mythes qui forment les soubassements de notre civilisation nous préviennent aussi, eux qui nous rapportent les conséquences tragiques des transgressions, des usurpations et des impostures, au profit de quelques dieux, surhommes ou héros. A ne pas les écouter, on risquerait de rééditer des expériences malheureuses.(...)

 

(...)Serait ce là, "l'horizon négatif" indépassable de Paul Virilio, celui de la "perspective temporelle", du "temps unique", auquel, seul "l'accident des accidents" pourrait donner une fin ?. Ou est-ce simplement, à en croire l'exemple de la transition Moyen-âge-Renaissance, une étape de la circulation des mythes ? Chaque balbutiement de construction perspective serait en effet comme l'un des éléments d'un long apprentissage culturel. Peu à peu, les regards de plus en plus aiguisés, feraient plus facilement la différence entre les constructions topologiquement légitimes et les autres. Faces à des consciences renouvelées, esthétiques, éthiques, et enfin politiques, et à l'image qu'elles renverraient en miroir, les pouvoirs devraient lâcher prise sur cette part de symbolique qu'ils ne peuvent saisir complètement. Le mythe devrait ainsi émerger, peut-être par une sorte de "processus d'auto-transcendance"(*b). La perspective numérique mettrait en coupe réglée le monde et ses chimères, leur donnant une nouvelle lisibilité. Elle s'imposerait alors à son tour comme le lieu théorique de la construction de la représentation. Elle pourrait elle enfin se voir raffinée, grâce à l'effort commun des arts, des sciences, et des techniques ; puis industrialisée, à moins qu'il faille inventer d'autres termes.(...)
(*a)
Paul Virilio. La machine de vision. Galilée, Paris 1988. P. 147.

(*b) Jean Pierre Dupuis : Logique des phénomènes collectifs. Ed. Ecole Polytechnique, Paris 1993

3 -Du mythe à la réalité

Derrick de Kerchove "Penser à l'écran" A.P. hors série novembre 99 (Derrick de Kerckhove est directeur du programme Mc Luhan de l'Université de Toronto)
(...) Mind-machine-direct-connect (P86)

Par ailleurs, un autre développement technique mené de front par l'art et la recherche médicale est ce que l'on pourrait appeler l'interface en "prise directe". Il y a des artistes qui branchent leur système nerveux directement sur Internet comme l'Australien Stelarc, d'autres qui comme Luciana Heill, webmestre britanique, essaient d'y faire communiquer leurs ondes cérébrales et susciter des images connectives, d'autres encore qui, comme le Canadien Steve Mann, sont branchés plus ou moins en permanence sur les réseaux qu'ils nourrissent des images par webcam en temps réel. Hors ligne, d'autres artistes explorent la réceptivité des structures matérielles aux commandes directes des structures mentales. Ainsi Ulrike Gabriel ou Keisuke Oki utilisent le système IBVA, sorte de bio-feedback pour commander des réactions immédiates à l'ordinateur et, de là, à des installations robotisées. Dans un laboratoire de l'Université de Tubingen, le docteur Yuri Peroulmuter et son équipe ont réussi à faire écrire une lettre sur écran, par la pensée, par une personne complètement paralysée au point de ne pas pouvoir contrôler ses mouvements oculaires.(...)

(...)Nous pourrons bientôt nous attendre à des développements techniques qui nous donneront l'option d'un contact en pris directe sur le Web, avec des moteurs de recherche instantanés nous donnant accès à une mémoire collective prodigieuse, et aussi à des agents intelligents capables de nouer et tresser nos connaissances connectives. Tout ceci passant par l'écran comme stade d'autoréflexion, de chaque source d'une même activité cognitive commune à toutes.(...)

 

Roy Ascott "La mort de l'artifice et la naissance de la vie artificielle : une approche connectiviste "Art et cognition" 1994 P.183

(...) Tout au long de ce vingtième siècle, la tâche de l'art a été de rendre visible l'invisible. Nous avons maintenant les moyens de réaliser pleinement cette ambition. Plutôt que de dénier à l'art ses dimensions spirituelles, les systèmes reliés par ordinateurs nous permettent subtilement d'étendre ces dimensions. La technologie télématique est en fin de compte une technologie "spirituelle", son domaine est celui de la conscience humaine. La connectivité induit la "télénoïa" au sens d'esprit en liberté affirmant le vivant. La société pré télématique induisait. seulement la paranoïa. Le Soi emprisonné dans le psychisme.(...)

4 - Le corps

 

Roy Ascott P21 Réponse à Patrick Talbot sur l'apparente négligence du sens et du sensible par les nouvelles technologies A.P. Hors série N° 12 Spécial nouvelles technologies 1991
(..) Ce serait plutôt le contraire, car en fait tous les systèmes autonomes du corps, ceux qui conditionnent notre vie, comme la respiration, la sueur, la digestion, etc... ont été ignorés pendant des siècles, du moins en Occident où à la différence de ce qui se passait en Orient - je pense notamment au yoga - la taxonomie, entre autre nous a conduit à traiter le corps comme un ensemble de pièces détachées. L'ordinateur(...)libère attention, temps et énergie, autrefois mobilisés à leur service et les rend disponibles pour le corps d'une manière très efficace. Il ne s'agit plus cette fois des aspects strictement mécaniques du fonctionnement du corps, mais des dynamiques, des systèmes de changement et de transformation, il s'agit du corps tel que Claude Bernard dans les années 1860 -1870 l'a envisagé à partir des systèmes nerveux et circulatoires Nous pouvons désormais être beaucoup plus sensibles à des variétés subtiles d'existence et de conscience ; la technologie des espaces virtuels est de ce point de vue révolutionnaire. Par référence à ce que Wagner désignait comme une
Gesamtkunstwerk - œuvre d'art totale, intégrant musique, image et poésie - nous pouvons parler d'une " Gesamtdatawerk" dont l'appréhension requière l'intelligence, les émotions et la sensibilité d'un observateur qui, par définition, dans un espace interactif est aussi un acteur. L'écran, avec son unidimensionnalité aujourd'hui envahissante, représente encore un obstacle à cette perception sensible, et il masque le fait que l'ordinateur n'est pas d'abord une chose, un objet mais le cœur d'u système circulatoire, une série de fonctionnements et de conduites immédiatement accessibles. IL sera d'autant plus efficace à l'avenir qu'on le remarquera moins.(...)

Roy Ascott "La mort de l'artifice et la naissance de la vie artificielle : une approche connectiviste "Art et cognition" 1994 p176 à 185

(...) De plus les nouveaux déterminants technologiques de la cognition et de la perception nous permettent d'acquérir un regard d'oiseau sur le monde, ce qui est aussi stimulant qu'holistique. La vision de l'oiseau est un système de vision tournant, zoomant, réduisant, agrandissant, par-dessus, par-dessous, transversal, latéral. il est cependant clair pour nous que ce n'est pas la technologie qui détermine nos désirs, mais nos désirs qui font progresser la technologie : toute l'histoire de l'humanité est l'histoire du désir de voler, d'être hors de son corps, de se relier de pensée à pensée. (...)
Derrick de Kerckhove "Penser à l'écran" A.P. hors série novembre 99 : (Derrick de Kerckhove est directeur du programme Mc Luhan de l'Université de Toronto)
P 82 : Extériorisation : Sur l'écran, la synthèse psychosensorielle interne qui permet à la pensée d'imaginer ses contenus est extériorisée. Très littéralement, le contenu de la pensée de la télévision est situé à l'extérieur du corps, de l'autre côté des yeux. Il ne fait aucun doute que cette synthèse psychosensorielle externe occupe absolument la tête du téléspectateur, mais de l'extérieur, pas comme la pensée du livre, occupée entièrement de l'intérieur. Depuis l'apparition des écrans (cinéma, télévision, ordinateurs, réseaux), et au fur et à mesure des progrès de l'interactivité, le centre de gravité de la pensée se déplace toujours plus vers l'avant, comme pour se pencher à l'extérieur du corps, à l'extérieur du moi. Qu'arrive-t-il à la pensée dans ces conditions ?

P 84 : l'écran d'internet : Avec internet, grâce au mariage entre l'ordinateur et le téléphone, l'écran se mue quasiment en une extension biotechnologique du corps et de la pensée. Seul l'écran permet à plusieurs personnes séparées par la distance de travailler sur le même objet situé devant leurs yeux, où qu'ils soient, à peu près de la façon dont nous travaillons individuellement sur un objet de pensée, situé sur le devant de l'esprit.(...)

Annexe :

 

- COGNITIF , IVE . Philosophie : Qui perrmet de connaître, qui concerne la connaissance. Psychologie : Qui se rapporte aux processus par lesquels un être vivant acquiert des informations sur son environnement. Sciences cognitives : Ensemble des sciences qui portent sur la cognition (psychologie, linguistique, intelligence artificielle, etc... )
Le Petit Larousse

 

Roy Ascott "La mort de l'artifice et la naissance de la vie artificielle : une approche connectiviste"Art et cognition p176 à 185 (Roy Ascott est artiste multimédia. Il enseigne dans le dépt. d'art interactif à Gwent, Pays de Galle)
(...) De plus les nouveaux déterminants technologiques de la cognition et de la perception nous permettent d'acquérir un regard d'oiseau sur le monde, ce qui est aussi stimulant qu'holistique. la vision de l'oiseau est un système de vision tournant, zoomant, réduisant, agrandissant, par-dessus, par-dessous, transversal, latéral. il est cependant clair pour nous que ce n'est pas la technologie qui détermine nos désirs, mais nos désirs qui font progresser la technologie : toute l'histoire de l'humanité est l'histoire du désir de voler, d'être hors de son corps, de se relier de pensée à pensée. (...)

A.P. Hors série N° 12 Spécial nouvelles technologies 1991 Entretien avec P. Talbot
Parlant de son œuvre "Aspects of Gaia" en 1899 pour l'exposition "Ars Electronica" à Linz en Autriche. R.Ascott (...)L'écran était disposé horizontalement pour rompre avec la tradition dominante en Occident, avec la représentation verticale qui, depuis la Renaissance, nous montre les sujets debout, et de pied en cap ; il autorisait métaphoriquement la vue d'oiseau, celle qui embrasse tout, d'un coup d'œil, le all over qu'avant l'âge télématique on trouve déjà chez Jackson Pollock(...)

 

Roy Ascott "La mort de l'artifice et la naissance de la vie artificielle : une approche connectiviste"Art et cognition p176 à 185
(...) Tout comme l'espace devient "électronique", ainsi, le temps devient "moléculaire". Deleuze nous a récemment renvoyés au projet de Bergson sur le temps et la durée en relation aux nouvelles lignes, ouvertures, traces, bonds, dynamismes découverts par une biologie moléculaire du cerveau. Nous pouvons utiliser le terme de temps moléculaire pour dénoter cette masse de sens et d'interprétations fournis de manière proche quoique différente par les sciences cognitives, la biologie, l'informatique et la physique quantique.(...)


Derrick de Kerckhove "Penser à l'écran" A.P. hors série novembre 99 : (Derrick de Kerckhove est directeur du programme Mc Luhan de l'Université de Toronto)

P 82 : Extériorisation : Sur l'écran, la synthèse psychosensorielle interne qui permet à la pensée d'imaginer ses contenus est extériorisée. Très littéralement, le contenu de la pensée de la télévision est situé à l'extérieur du corps, de l'autre côté des yeux. Il ne fait aucun doute que cette synthèse psychosensorielle externe occupe absolument la tête du téléspectateur, mais de l'extérieur, pas comme la pensée du livre, occupée entièrement de l'intérieur. Depuis l'apparition des écrans (cinéma, télévision, ordinateurs, réseaux), et au fur et à mesure des progrès de l'interactivité, le centre de gravité de la pensée se déplace toujours plus vers l'avant, comme pour se pencher à l'extérieur du corps, à l'extérieur du moi. Qu'arrive-t-il à la pensée dans ces conditions ?

P 84 : l'écran d'internet : Avec internet, grâce au mariage entre l'ordinateur et le téléphone, l'écran se mue quasiment en une extension biotechnologique du corps et de la pensée. Seul l'écran permet à plusieurs personnes séparées par la distance de travailler sur le même objet situé devant leurs yeux, où qu'ils soient, à peu près de la façon dont nous travaillons individuellement sur un objet de pensée, situé sur le devant de l'esprit.(...)

Alexandre Leupin (voir notes *) " La fin du sexe" p 90 A.P. hors série novembre 99 ( Alexandre Leupin est prof. de littérature médiévale française et de psychanalyse à l'Université d'Etat de Louisiane , voir ouvrages *)
(...) Ou encore, pour que la médecine soit efficace, il faut que le corps soit réduit au machinique. La science est donc contre le sex e, en tant que celui-ci définit le sujet ; elle est contre le corps symbolique incarné ; elle fonctionne donc, pas même à notre insu, comme vaste entreprise de désincarnation. d'arrachement à la contingence désirant, d'effacement de l'identité inconsciente ; en bref, la science moderne est la figure la plus puissante et la plus fondamentale de la répression et du refoulement ; les (0,1) nous arrachent au corps, qui voit profiler sa disparition dans l'image digitale.(...)

 

-
" Il y a un fantasme de la disparition du corps et de la sensation directe avec le monde qui est très présente dans la cyberculture"
David Le Breton "Anthropologie du corps et modernité" cité par Alexis Mital

 

BIONIQUE : Science ayant pour objet l'étude de certains processus biologiques en vue d'appliquer des processus analogues à des fins militaires ou industrielles.
Le petit Larousse

 

Le thèmes des "avenirs impensables " a été traité sur internet par Brian Eno.

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